jeudi 29 mars 2012

3.3 Robert Service



The Men that Don't Fit In

There's a race of men that don't fit in,
A race that can't stay still;
So they break the hearts of kith and kin,
And they roam the world at will.
They range the field and they rove the flood,
And the climb the mountain's crest;
Theirs is the curse of the gipsy blood,
And they don't know how to rest.

If they just went straight they might go far;
They are strong and brave and true;
But they're always tired of the things that are,
And they want the strange and new.
They say: "Could I find my proper groove,
What a deep mark I ould make!"
So they chop and change, and each fresh move
Is only a fresh mistake.

And each forgets, as he strips and runs,
With a brilliant, fitful pace,
It's the steady, quiet, plodding ones
Who win in the lifelong race.
And each forgets that his youth has fled,
Forgets that his prime is past,
Till he stands one day with a hope that's dead
In the glare of the truth at last.

He has failed, he has failed; he has missed his chance;
He has just done things by half.
Life's been a jolly good joke on him,
And now is the time to laugh.
Ha, ha! He is one of the Legion lost;
He was never meant to win;
He's a rolling stone, and it's bred in the bone;
He's a man who don't fit in.


Robert Service, tiré de Songs of a sourdough, 1913

(Ce gars était un banquier, transféré à Dawson City avec la ruée vers l'or et tout et tout. Un p'tit gars sage qui a écrit des poèmes en observant toute la cohue folle de l'or. Après la folie des hommes pour l'or, il est parti vers une autre folie des hommes, celle de la 1ere guerre mondiale en France, dans les tranchées comme soignant. Et là, il a pondu un autre recueil de poèmes qui, à l'image de Dalton Trumbo, deviendra un véritable manifeste de la paix...
Voilà voilà pour les présentations...)


jeudi 22 mars 2012

2.12 LE PINGOUIN (Eagle Plain)




EAGLE PLAIN.
C'est une île d'hommes au milieu de la Terre, alors à première vue on peut bien se demander ce qu'ils foutent là. Le Vide réside à EAGLE PLAIN, alors quand on crie, c'est l'écho qui répond pond pond.
EAGLE PLAIN, c'est là où Mick s'arrête pour grailler. Le pingouin sort aussi parce que grailler c'est contagieux et se transmet d'estomac en estomac. Il suffit qu'un imbécile crie J'AI LA DALLE pour que les autres aient la dalle aussi. Un peu comme tout, en fin de compte. Il y a beaucoup de vent. Sur le panneau d'entrée, il est inscrit EAGLE PLAIN 12 PEOPLE LIVING HERE. 12 gars ont planté leur drapeau sur cette colline couverte d'arbres piquants.
A l'intérieur de la bâtisse principale, c'est de la moquette, c'est tout cosy cosy, il n'y a que le son lointain d'un bout de civilisation qui résonne. A la salle d'entrée, il y a 4 portes qui mènent chacune dans une aile. A droite d'abord, c'est celle des chiottes (là où Mick accoure en ouvrant sa braguette, en fait il avait envie de chier), dedans il n'y a que l'écho des hommes qui chient. La deuxième, elle donne sur le bar. Ambiance sombre, il y a des loupiottes en fin de vie, des silhouettes qui ont l'air d'être accoudées au comptoir. L'autre porte, ça donne sur le restaurant, et apparemment c'est l'heure de la bouffe parce qu'il y a plein de monde.
Le gros nez collé au bar, c'est Stan. C'est le gars qui dit s'il y a de la job ou pas. C'est le gars qui boit des verres gratuitement. C'est le gars qui décide, qui parle, qui rote, qui envoie bouler le pingouin sans même se demander ce qu'il avait dans le ventre. Il y a le vieille, là, avec sa bouche carrée, son menton carré, son nez carré, tout la gueule au carré. Même pas foutue d'écarteler un sourire. Mike l'avait prévenu, c'est sa femme avec la robe à fleurs, des fleurs qui ne poussent même pas par ici. Elle vend des t-shirts, des boussoles, des spray anti-MOUSQUITOSSS. C'EST PAS LES OURS QU'IL FAUT CRAINDRE, PINGOUIN, MAIS LES MOUSQUITOSSS! ILS TE BOUFFERAINT EN MOINS DE DEUX, SURTOUT LES PIAFS COMME TOI (c'était Mike en conduisant quelques heures plutôt qui disait ça, le pingouin s'en souvient maintenant alors il a sorti des papiiir-money pour s'en procurer un). Mike invite le piaf à une table. Il faut grailler.   Le repas est dégueulasse et l'iceberg de son verre était fondu.

samedi 3 mars 2012

3.2 John Steinbeck

Les voitures des émigrants surgissaient en rampant des chemins de traverse, regagnaient l'autostrade et reprenaient la grande voie des migrations, la route de l'Ouest. A l'aube, elles détalaient, pareilles à des punaises; dès la tombée du jour, surprises pas l'obscurité, elles se rassemblaient et venaient grouiller autour d'un abri ou d'un point d'eau. Et parce qu'il se sentaient perdus et désemparés, parce qu'ils venaient tous d'un coin où régnaient la désolation et les soucis, où ils avaient subis l'humiliation de la défaite, et qu'ils s'en allaient tous vers un pays nouveau et mystérieux, instinctivement, les émigrants se groupaient, se parlaient, partageaient leur vie, leur nourriture et tout ce qu'ils attendaient de la terre nouvelle... Quand par exemple une famille campait près d'une source, il arrivait qu'une autre famille vînt s'y installer, à cause de la source ou pas besoin de compagnie, puis une troisième, parce que les deux premières avaient étrenné le coin et l'avaient jugé favorable. Et à la tombée du jour, c'était peut-être vingt familles et vingt voitures qui finissaient pas se trouver rassemblées là.
Vers le soi, il se passait une chose étrange: les vingt familles ne formaient plus qu'une seule famille, les enfants devenaient les enfants de tous. Ainsi partagée, la perte du foyer se faisait moins sensible e le paradis de l'Ouest devenait un grand rêve commun. Et il advenait que la maladie d'un enfant remplît de désespoir vingt famille, cent personnes; qu'une naissance, là sous la tente, tint cent personnes figées toute la nuit dans une crainte respectueuse et qu'au matin la délivrance mît la joie au coeur de cent personnes. On voyait une famille, la veille encore toute apeurée et désemparée, défaire ses paquets à la recherche d'un cadeau pour le nouveau-né. Le soir, assis autour des feux, les vingt n'étaient plus qu'une seule tribu. Tous se soudaient peu à peu en groupes, pour le campement, pour la veillée, pour la nuit. Quelqu'un tirait d'une couverture une guitare, l'accordait et les chansons que tous connaissaient, montaient dans la nuit. Les hommes chantaient et les femmes fredonnaient l'air en sourdine.


Chaque soir un monde se créait, un monde complet, meublé d'amitiés affirmées, d'inimitiés subitement établies, un monde complet avec ses vantards, ses lâches, avec ses hommes calmes, ses hommes modestes et bons. Chaque soir s'établissaient les relations qui font un monde et chaque matin le monde se disloquait à la façon d'un cirque ambulant.


John Steinbeck, extrait de les raisins de la colère, chapitre XVII

(C'est l'histoire d'une famille de payzousses dans les années 30, avec les conséquences de la révolution agricole capitaliste folle folle folle. Alors ils décident de se barrer en Californie, avec tous les rêves d'une vie meilleure... et c'est foutrement bon!!)


vendredi 2 mars 2012

2.11 LE PINGOUIN (pensées de Pingouin)




J'ai vu les grands silex qui illuminent tout à la ronde
J'ai vu les tours de Pise qui se font la malle et qui disent
Qu'en haut la vue est un peu plus belle
Même
Que les oiseaux font des grimaces, les Grands Corbeaux
Les mystères aux grandes échasses.
Les icebergs sont perchés dans les montagnes
Pour ne pas être reconnus
Pour rester fiers et ne contempler que
L'intérieur des POCKETS.
Je me suis demandé deux milles neuf
Cent quatre-vingt dix neuf fois
Ce que les icebergs pensent
Ce que les icebergs disent
Ce que les icebergs font
Et ils ne sont pas foutus de répondre.
J'ai vu les grands édifices de glace
Des tonnes de fontes, des milliards de litres
D'eau déferler à dos,

J'ai pataugé dans les rapides
Sans garder la substance
Sans retenir le surplus, le nécessaire.

Héééého hayakiriii!
C'est l'écho qui blablate
à ma place.

Et puis merde!
A coup sûr je patauge dans les rapides
Dans leur substance glacée
Dans les dépôts d'icebergs qui s'amassent
A coup sûr j'ai pris un peu plus de leur âme
(et un pingouin a besoin d'âme)