dimanche 11 décembre 2011

2.2 LE PINGOUIN (2eme partie)



Première tangente de la grande coulante: une caisse décrépie qui stoppe en crissant des pneus, en manquant de faire un accident rouli-bouli. On a vu, les feux de derrière sont rouges. C'est un black gloupi-gloupa qui tient le volant, des centaines de livres bien tassés sur le siège, il a deux mains qui sortent de son corps pour tenir la barre. Une casquette de Gavroche sur le crâne. Et c'est tout.
Comme le pingouin cligne des yeux à force de se battre contre le vent et la neige, il a dit OUI OUI OUI tout de suite, s'embarque dans la caisse et claque la porte. Le pingouin est en sécurité.
Le black va là-bas. A New-York-Plastic-City. Il a un très fort accent. Un accent qui se mange la langue. Il raconte qu'il n'est pas d'ici. Il raconte même qu'il vient d'ailleurs, qu'il a fallu traverser les océans et tout et tout. Il raconte qu'il s'est battu avec des lions, qu'il a roulé dans la gadoue, qu'il a bouffé la poussière et que maintenant il conduit une foutue caisse. Ça impressionne toujours les pingouins.
Le paysage est plat, et gris, et monotone.

Quand on arrive enfin sur la ligne, l'endroit où on change de monde, le pays de la liberté pour le pays des feuilles d'érable (le pingouin rêvait de ses étoiles et tout le bleu qu'on voit partout partout), il y a ce grand panneau qui casse l'horizon. Il y a une bosse: WELCOME TO THE UNITED STATES OF AMERICA-AH-AH-AH.
On est tiré au sort. Le pingouin devient number. On parle dans les hauts-parleurs. C'est lui qu'on vient d'appeler. Check-up et listing de question mark. ??? ??? ??? On dirait l'ami Chuck qui zozotte, c'est à péter de rire mais sur la ligne, sur le bord du précipice qui nous pousse au pays de la Liberté, IL NE FAUT PAS RIRE! (es muss sein!) Le pingouin bat de l'aile. Il se met à péter. Les gaz de son bide ont des allures de madeleine de Proust: une poutine de la Belle Province (du gras dans vot' gras?), des frites en portions cubiques, des hamburgers qui tirent la langue, une pointe de pizza ('stie!) qui indiquait la porte des chiottes et quelques empiffrades pour combler les trous d'air. Ça sentait bon.
Check-up de papieren, check-up de liste noire.
Retour dans la caisse avec le gros black casquetté de la tête.
La coulante est sinueuse. C'est un p'tit Snake. Le pingouin a vu des étoiles comme dans les films, il a trop de lumières dans la tête.

L'Hudson coule comme le Styx la nuit. Il y a des hallos sur la surface, elle pisse des sillons de lumière. Le pingouin tourne la tête à droite, le pingouin tourne la tête à gauche et tout l'horizon se barre à la vertical: New-York-Plastic-City.  
Le pingouin sort de la caisse du black maitre cube, tend un billet vert plein de têtes et de chiffres, et reste petit. Tout petit.

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